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Des vélos et du torchis

  • urbedall
  • 26 févr. 2016
  • 4 min de lecture

Voici quelques jours que nous sommes chez Aude et Sacha, et il faut dire qu'on ne pouvait pas rêver meilleur accueil pour notre arrivée. Avec Nando, le copain d'Aude et Maria, Argentine compagnonne de voyage de notre Française qui vit sur le même terrain, dans une autre maison auto-construite, nous avons pu avoir pas mal de bons tuyaux sur la vie et sur la société uruguayennes.


Par exemple : nous avons pu acheter nos vélos et le matériel minimal pour continuer notre voyage en deux-roues. On s'est aussi aperçus que si l'Uruguay est incluse dans la société de consommation, celle-ci fonctionne surtout pour les très riches. Ainsi, nous avons eu un seul choix de vélo à un prix convenable. Et la même taille pour nous deux : autant dire un peu petit pour Céline et un peu grand pour Gwendal. A moins que ce ne soit le contraire.


Nous avons eu une petite frayeur lorsque, une fois les vélos achetés, nous nous sommes aperçus que les moyeux des roues n'étaient pas à la même dimension qu'en Europe. Ce qui signifiait donc qu'on ne pourrait pas y mettre l'attache-remorque.... Mais finalement, une solution a été trouvée, et la carriole est même mieux attachée que sur mon vélo de Bretagne.


Et à 200 dollars le vélo – ce qui n'est pourtant pas donné - on a plutôt intérêt à vérifier avant de partir : trois roues voilées sur quatre et un patin de frein non vissé... Il a donc fallu faire un nouveau passage à l'atelier, ce qui nous a permis, en attendant, de rencontrer un vendeur de glaces ayant travaillé au Club Med en France et un vendeur de matériels de vélos dans la rue, nous parlant de son trip de son fiston, parti en Colombie en Coccinelle, gagnant sa vie en vendant des bijoux, et dont la voiture a eu son premier raté au premier kilomètre. C'est ça aussi l'Uruguay : une facilité déconcertante à nouer des échanges, et un vrai plaisir à rentrer en contact avec l'Autre.


Ces cinq jours nous ont aussi permis de mieux connaître Aude. Cela fait sept ans qu'elle voyage à travers l'Amérique Latine, et a gagné sa vie en faisant tous les petits boulots possibles et imaginables, étant de fait au cœur du prolétariat sud-américain. Pendant deux mois, elle a ainsi été « lavandière » dans les montagnes boliviennes, lavant à la main le linge d'un hôtel. Et le samedi, elle était serveuse, au milieu du peuple de mineurs : « la spécialité du coin, ce sont les bars enfouis dans des grottes. Ces Boliviens passaient donc la semaine enfermés à la mine et se bourraient la gueule le week-end dans une grotte ! ». Parfois, elle était la seule femme dans des boulots réservés aux hommes, comme lors des cueillettes d'abricots en Argentine, où tous les saisonniers la dévisagèrent quand elle monta dans le camion. Autant dire que gagner sa vie, elle sait assez précisément ce que cela signifie.


Le quartier de Marindia où elle habite désormais est composé du (sous) prolétariat uruguayen et de « hippies-babos ». Mais à sa grande déception, ce sont deux univers qui ne se croisent pas. Par contre, l'esprit de solidarité existe toujours dans les moments difficiles. Quand elle dut élever seule sa petite Sasha, sans un sou, tout le quartier se mobilisa : « j'ai trouvé des paquets de vêtements, de couches, à la porte d'entrée. Je n'ai jamais su de qui ça venait ». Même quand le voisin ferrailleur lui rebrancha l'électricité, aucune embrassade : il partit sans attendre un merci. Deux peuples qui vivent en parallèle, finalement comme en Europe, où ouvriers et écolos-bobos se regardent en chien de faïence, voire se dédaignent.


En parlant de chiens, c'est d'ailleurs une spécialité locale. Chaque famille en a au moins trois, voire plus. De jour comme de nuit, des concerts d'aboiements concurrencent la cumbia qui sort de toutes les maisons. Aude et Maria n'en voulaient pas, car ça reste une bouche à nourrir. Mais lors de notre première ballade au marché, un beau chien noir nous accompagna, et décida de s'installer chez elles. Après trois jours sans lui donner à manger, le jour de l'asado (sorte de barbecue géant) fut celui de trop : il se fit un festin des restes, et fut donc adopté, au moins provisoirement. Et fut baptisé : Maikol, prononciation phonétique de Michael, à l'américaine, qui est un prénom donné (aux humains) en Uruguay. Notez que les Uruguayens l'écrivent bien comme ils le prononcent ! Et ce sera aussi la prononciation qu'aura Maïa tout le reste de sa vie, on dirait...


Aussi, pour la remercier de son accueil, et comme elle travaillait sur une petite extension de sa maison, nous sommes restés deux jours de plus pour l'aider. Opération torchis à la mode artisanale : il fallait d'abord faire le mélange d'argile, de sable et de foin dans un trou, que nous piétinions à deux, un peu comme il fallait danser pour faire de la terre battue dans les campagnes bretonnes. Ensuite, le mélange était appliqué sur les façades en bois, où un grillage de fortune – du fil de fer tenu par des clous, le grillage coûtant trop cher – permettait de maintenir ce mélange qui offrira une isolation minimale de la maison. Do it yourself, récup' et débrouille, dans la joie et la bonne humeur. Pendant ces travaux, Maïa s'est amusé avec Sasha, se sentant toujours bien là, sachant ses parents à côté. Parfois, elle venait toutes les deux nous « aider », posaient un peu de mélange argileux sur les murs, puis s'en allaient, assez peu amusées par un travail rébarbatif. Que c'est beau de voir cette insouciance enfantine, celle qui vit le moment présent et ne se pose pas de questions...


Elle semble bien supporter la chaleur aussi. Ce sera peut-être difficile à entendre de France, mais ici, comme c'est l'été, il fait chaud. Trop chaud. Oui, trop chaud. Notre petite tente, à trois, peut vite devenir une vraie fournaise, mais la seule qui dort bien dans ces conditions reste Maïa.


Nous allons donc pouvoir commencer notre trip en vélo ! Aucun objectif de performance, plutôt un objectif d'avoir le moins de pannes possibles et de profiter de ce mode de transport dit lent, mais totalement adapté à notre rythme. Enfin, on l'espère : en réalité, on ne l'a pas beaucoup testé avant !


 
 
 

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