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Des étoiles dans les yeux, du sable sur les pédales

  • urbedall
  • 10 mars 2016
  • 5 min de lecture

Ce qui est pratique, ici, et notamment pour des cyclistes, c'est que lorsqu'il y a une journée de pluie (disons plutôt une journée « avec de la pluie » étant entendu que la pluie ininterrompue pendant 24 h, ça n'existe pas), « c'est que demain, il fera beau ». Et ce n'est pas de la méthode Coué à la bretonne, c'est bien la réalité. De fait, nous avons quand même plutôt échappé aux gouttes jusque là.

Cela nous a permis de profiter des endroits où nous nous posions. Si les villes et les villages de la côte sont pour l'essentiel des stations balnéaires, il suffit quand même de s'éloigner un tant soit peu de l'asphalte pour découvrir une côte sauvage merveilleuse, et silencieuse, en cette période de l'année où l'école a repris en Uruguay et chez le voisin Argentin.


A Punta Ballenas, la « pointe des Baleines » - mais il n'y en a pas en cette période – nous avons visité un monument touristique d'Uruguay, la Casapueblo, une « maison-village » immense et magnifique, un peu dans le style de Gaudi, l'artiste Catalan. Posée en front de mer, le bâtiment déploie son blanc immaculé qui se repère à des kilomètres. Malheureusement, l'intérieur nous a bien confirmé que le tourisme n'était pas le fort des Uruguayens : c'est simplement une ode à la gloire de l'artiste-architecte, sorte de mix entre Bernard Lavilliers et Alain Delon : un égo surdimensionné, une tête qui ne doit plus passer les portes. Et si ses peintures sont plutôt belles, les salles sont remplies de dollars : le prix des croûtes, de son livre écrit sur son fils, des cartes postales... Il est possible d'y retourner le soir, admirer le coucher du soleil, « en écoutant un poème de l'artiste, qui sera déclamé sur la terrasse ». Alors que ce qui nous intéressait, c'était visiter cette architecture unique, il ne nous est permis d'admirer qu'une toute petite partie, le reste étant loué à de richissimes familles, qu'il est possible admirer prenant leur bain de soleil sur leurs terrasses, protégés par les caméras de surveillance omniprésentes. La Casapueblo pourrait se traduire aussi par « maison du peuple ». La bonne blague. On s'est permis de l'écrire sur son livre d'or.



Alors nous avons repris la route, traversé d'une traite Punta del Este, le « Saint-Trop' » latino-américain, dont nous goûtions très peu les gratte-ciels, et nous nous sommes offerts notre première nuit à 5 millions d'étoiles, au bord d'une lagune qui longeait l'océan. C'est Juan, un vendeur de gâteaux posé au bord de la route avec sa 4L, qui nous fit nous arrêter là. Comme souvent sur la route, il nous interpelle gentiment pour savoir ce que nous faisions ici, avec nos vélos et notre carriole. Deux minutes plus tard, il offrait trois gâteaux à Maïa. Juan se pose là, au bord d'une route menant à peu près à nulle part, « de temps en temps ». Pas de jour fixe, au gré de son envie, et de celles de ses trois grands-mères de copines qui l'accompagnent et qui restent émerveillées par les yeux de Maïa. « Les gens me connaissent, quand ils voient ma 4L, ils s'arrêtent ». Et c'est effectivement le cas : les gâteaux de Juan sont un véritable triomphe. Cette façon de vendre et de vivre de ses gâteaux est possible en Uruguay, car faire ses courses pour une semaine voire pour un mois comme en France est absolument inimaginable. En fait, comme le dit Aude, ici, « on fait des courses trois fois par jour ». Une façon de vivre au jour le jour, sans doute liée aussi à une forme de précarité. Dans certaines épiceries, il est même permis de demander un demi-oignon, juste de quoi faire la recette du midi...


Il y avait de bonnes ondes dans ce lieu de marché improvisé, on a donc décidé d'y rester. Un couple en camping-car était déjà là depuis quelques jours et nous a offert gentiment l'eau qui nous manquait pour la vaisselle. Là, perdus sur la côte sauvage, sans aucune pollution lumineuse, nous avons pu admirer longtemps la nuit étoilée si pure, si belle. Au loin, les vagues de l'océan phosphoraient d'une étrange mais magnifique couleur bleue-verte et faisait de cette nuit un moment paradisiaque.


Et, du jour au lendemain, c'est comme si nous étions passés du paradis à l'enfer. L'enfer de la route, s'entend. Juan nous avait pourtant prévenu : la route qui longe la côte est « moche », il vaut bien mieux reprendre vers l'intérieur. Comme cela nous faisait un détour de 80 km, on a préféré tenter le coup... On n'aurait pas dû. D'un coup, après un étrange pont en forme de rond-point, la route devient un chemin chaotique et sablonneux. Les roues s'enlisent, l'allure baisse inexorablement, et Maïa se lasse de tous ces tremblements, qui l'empêche de dessiner dans sa carriole, demandant instamment à son cocher « d'arrêter de trembler ». Sans compter que ce chemin diabolique est constituée d'immenses lignes droites, qui semblent ne jamais finir. Sous 35°, et sans ombre, c'est dur. Très dur.

Mais en fait, ce n'était rien à côté de la traversée de la lagune. Car la route, d'un coup se termine, et il faut traverser un banc de sable de 5km pour rejoindre l'autre côté. Cinq kilomètres à porter vélo et carriole, dans un sable qui semble dévorer les roues. Durant tout le trajet, nous n'aurons croisé aucune épicerie, encore moins de troquet. Et heureusement que la garde d'une posada touristique nous a gentiment rempli notre bouteille d'eau...


Selon nos calculs, nous avions avalé environ 250 km depuis le début de notre pédalo-voyage. Mais comme Paris-Roubaix n'est pas réputé pour le nombre de ses kilomètres, cette distance ne dit rien des efforts fournis, lorsque les routes deviennent des chemins ou du sable. Pour l'instant, la mécanique humaine tient plutôt bien le coup : quelques courbatures, une cheville endolorie avant le voyage qui nous rappelle à son bon souvenir, mais rien de bien méchant. On croise les doigts !


Nous sommes finalement arrivés à La Pedrera. Ce petit village est réputé pour l'immense fiesta qui conclut le carnaval. Nous, nous arrivons juste après la bataille, et cette charmante bourgade s'est endormie, épuisée par ces trois jours de fête. Là-bas, nous rencontrons Titi, gérante d'un camping, qui vient de terminer sa saison et ne reçoit plus de voyageurs. Elle nous propose de louer sa petite maison, en pleine nature. Seul hic : il n'y a pas d'électricité. Mais la beauté de la maison nous subjugue ; on décide de négocier le prix. Nous savions que ça ne se faisait pas trop en Uruguay, et nous avons la confirmation. Titi, très avenante depuis le début, fronce brusquement les sourcils, et appelle son copain pour en discuter avec lui. « Bon finalement, on est d'accord parce que vous avez de bonnes têtes ». Et l'orage était passée : au lieu de limiter son aide au strict minimum, elle nous fournit un coussin en plus pour Maïa et nous propose de venir recharger les batteries d'ordinateur chez elle. Adorable, encore une fois. Maïa et Céline prépareront un petit cadeau de remerciement avant de partir.


Nous resterons trois jours dans sa charmante bicoque, à vivre au rythme du jour. Comme il fait nuit noire à 20h, tout est question d'organisation. Mais les bruits de la forêt environnante, le confort de cette maison en bois et torchis, nous font oublier que l'électricité fut un sacré progrès pour l'humanité.

Nous profitons de cette pause de quatre jours pour gérer quelques points logistiques : la grande lessive, une révision générale des vélos – qui nous a fait prendre conscience que le simple besoin de lubrifiant peut nous faire faire un trajet de 20 km... - et, aussi, nous occuper de Maïa. Si elle fait preuve de beaucoup de patience, souvent, lorsqu'elle reste seule dans sa carriole pendant des heures, nous nous devons de répartir les journées de voyage pour lui permettre de dépenser son énergie et prendre soin d'elle, par exemple en lui « faisant la classe ».

Car si elle aime le voyage, la classe, elle adore ça. Gageons qu'elle aura le temps de préférer les voyages, plus tard....


 
 
 

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