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Punta del Diablo, Pointe du Paradis

  • urbedall
  • 25 mars 2016
  • 5 min de lecture

Il ne faut jamais trop programmer de choses lorsqu'on part en baroude comme ça, car il y en a beaucoup – de choses - qu'on ne maîtrise pas. En premier lieu, le temps. Enfin arrivés à Punta del Diablo, l'objectif extrême-oriental de notre périple, à 40 km de la frontière brésilienne, nous nous installons dans un camping d'où partaient tout juste un couple de Hong-Kongais qui montrèrent avec beaucoup d'à-propos le plaisir qu'ils avaient de voir une autre famille parcourir le pays à vélo. La nuit fut courte, réveillée par le premier accident au lit de Maïa, ce qui nous valut une séance de lessive à la main à 6h du matin. Et puis, la pluie a commencé. Petite au départ. Puis, une vraie tempête. Dans ce camping « où il y a juste le minimum » dixit nos confrères asiatiques, on peine à trouver un endroit pour s'abriter et tenter de faire la classe à Maïa. Enfin, on se rend à l'évidence : on ne pourra pas passer la journée ici, encore moins la nuit. Changement de programme donc, à l'heure du déjeuner : je m'en vais chercher un hôtel pas trop cher où nous pourrons vraiment nous abriter. Au bout de deux minutes, je suis entièrement trempé, arrive à peine à avancer, le vent ayant décidé de me laisser là, en plein air. C'est une tempête comme rarement il y eut ici – d'après les locaux – qui fut notre comité d'accueil à Punta del Diablo, la bien-nommée pour le coup.


Pourtant, il ne faut pas se fier aux apparences. Nous bénirons cette tempête, qui nous aura amené à rencontrer Ignacio (dit Nacho) et Judith, gérants de l'hostal Vente al Diablo, ainsi que Romi, leur employée. Vus les prix pratiqués ici – l'Uruguay est vraiment cher, on se répète mais c'est tellement vrai – on se risque à négocier le prix de la chambre. Nacho, en bon Argentin, n'en est pas choqué. Et aussitôt après avoir conclu le marché, il se propose d'aller chercher Céline et Maïa en voiture, alors que la tempête gronde toujours autant. Une journée, donc, à rester à l'intérieur. Je devrai me tremper deux autres fois pour aller acheter à manger, ce qui devint vraiment problématique du fait que la quasi-totalité de notre linge avait été confié à un blanchisseur ambulant pour le premier grand nettoyage en machine. Mais l'avantage de ces situations, c'est qu'on peut en profiter pour discuter et mieux connaître ses hôtes, quand ceux-ci y sont ouverts. Ça tombe bien : ce que cherchent Nacho et Judith en tenant ce lieu d'hébergement, c'est la rencontre. Et quelle rencontre ce fut !


Comme à Cabo Polonio, la présence de Maïa dans un hôtel réservé aux voyageurs en sacs à dos détonne quelque peu. Mais elle devient rapidement la chouchou des lieux, autant de la part des gérants que des autres voyageurs. Elle est encore une fois proclamée « la plus belle de l'hôtel », et se fait même offrir du chocolat Lindt (une rareté ici, le genre de caviar qu'on ne trouve qu'à la ville-frontière de Chuy, le Hong-Kong local) par une fille tombée totalement sous le charme de notre princesse, semblant montrer avec insistance à son copain, beaucoup moins enthousiaste, quel bonheur ça peut être de devenir parents...


Nacho et Romi, eux, ne se lassent pas de l'interpeller gentiment. Ils trouveront leur bonheur le matin de notre départ, quand Maïa se sera enfin adapté à eux et s'amusera comme une folle, rigolant aux éclats avec Romi en cherchant un jouet perdu, piquant en toute décontraction les fesses du patron qui n'en attendaient pas tant. Tant et si bien qu'elle ne voulait plus quitter les lieux. La vie d'enfant en voyage peut aussi être faite de frustrations...


Mais la rencontre avec nos hôtes ne s'est pas résumé à ça. Nous avions bien remarqué les livres d'Eduardo Galeano (presque toute la collection!) et les posters de Manu Chao dans la salle commune. Mais en bon Argentin, Nacho n'a, lui aussi, qu'un seul Dieu : Diego Maradona. S'en suivirent de longues discussions mêlant football, politique, les voyages et la vie, tout simplement, avec nos mots et un vocabulaire beaucoup trop restreint pour aller aussi loin que l'on voudrait. Mais la parole n'est pas le seul moyen de communication : le moment du départ fut rempli d'émotions, de longs abrazos, et des yeux remplis de larmes, des deux côtés nous semble-t-il. Nacho et Judith nous invitèrent au mois de mai à les rejoindre à Rosario, ville natale de Nacho, Che Guevarra et Lionel Messi. Au moins deux bonnes raisons d'y aller – on ne fera pas le déplacement pour une pâle copie de Dieu, tout de même...

Nacho nous fit comprendre à quel point cela lui ferait plaisir de nous recevoir chez lui, et c'est sûr que nous irons les voir. Le départ fut lourd d'émotions, mais avec cette certitude rassurante que ce ne sont pas là des adieux.


Au-delà de notre maison commune, Punta del Diablo nous aura particulièrement marqué par l'esprit qui y règne, une sorte de « bout du monde » uruguayen au bord de l'océan avec cette atmosphère si particulière qu'Hugo, quinquagénaire rencontré sur un bout de comptoir nous expliquera très bien : il a lui-même quitté Montevideo pour ce bout de terre face à l'océan pour cela. Une atmosphère qui sied forcément à ma petite Brestoise, qui semble y trouver là une seconde maison. D'ailleurs, nous aurons également un beau témoignage d'un Français installé là-bas : François a créé avec ses associés français et suisses le « Déjà vu », un bar-restaurant qui fait une divine cuisine, propose de très beaux concerts et « une bière plus fraîche que le cœur de ton ex », promet une pancarte à l'entrée. François est ch'ti, et ça se voit, ça se sent. Aucun narcissisme déplacé tellement habituel chez les coqs français, il nous explique simplement comment il a débarqué là, avec sa femme salvadorienne et ses deux filles, en nous offrant le plus naturellement du monde une bière alors qu'on ne se connaissait pas. Pour lui, pas « d'intégration administrative » qui vaille : il gère son resto avec un visa de touriste, et nous apprend que ses filles peuvent malgré tout aller à l'école publique. Nous avons aussi promis de se revoir, car lui comme nous le souhaitons : « ah ouais, un voyage à vélo en famille, faut que vous me racontiez ! ». On en conclura de cette discussion que Ch'ti et Bretons sont faits pour s'entendre. On le savait déjà avec nos amis d'Augan, c'est toujours bien de se le voir confirmer.


Punta del Diablo sera aussi devenu un endroit magique pour Maïa qui, après les loups de mer, fera la découverte sensationnelle des noctilucas, ces planctons phosphorescents se déposant sur la plage lors des nuits noires. Elle restera une bonne demi-heure, émerveillée de voir ses pas éclairer la nuit par ces drôles de plancton d'une couleur verte fluo totalement hallucinante, convaincue d'avoir enfin trouvé la poudre de fée tant recherchée, ou – selon les moments - être sur la trace des Cités d'Or. Voilà un voyage qui se transforme en dessin animé...


 
 
 

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