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Ma-Ma de Buenos Aires

  • urbedall
  • 6 mai 2016
  • 5 min de lecture

Nous sommes donc arrivés à Colonia en même temps que le froid. On nous avait prévenu qu'ici, il n'y avait plus de saison, ma pauv' dame. Mais ici, cela se traduit par une année de deux saisons : l'été, et l'hiver. Pas d'automne donc, on est rentrés dans l'hiver, direct, sans prévenir. Et 9° la journée et 4° la nuit, d'un coup, ça fait mal.

En même temps, cela nous permet de nous rendre compte du quotidien de la majorité des Uruguayens, qui vivent presque sans chauffage, avec souvent une simple cheminée comme source de chaleur, et parfois rien. Et dans l'hôtel le plus populaire de Colonia où nous logeons, c'était rien. La solution proposée : des couvertures, et encore des couvertures. C'est ce que font les Uruguayens : rajouter des couches d'habits, et encore des couches, paisiblement, sans se plaindre. Alors, on fait pareil, mais on se rend compte combien, dans ces conditions où il n'y a pas moyen de se réchauffer, le froid prend de l'énergie. Et ça change tout le quotidien.

Nous avons commencé par acheter en urgence quelques couches chaudes pour Maïa, qui ne s'est pourtant jamais plaint de ce froid. Et puis, un peu par dépit, on a joué au naïf et demandé à la réception, si, par hasard, ils n'avaient pas de radiateurs. Le type nous a répondu par la négative mais s'est senti mal à l'aise en voyant Maïa. Puis est revenu avec un petit radiateur, quelques temps plus tard. La joie fut de courte durée : les prises datant des années 70, pas moyen de brancher la bouzin qui devait en avoir 10 de plus. Mais celui qui suit le football sait qu'un Uruguayen, ça s'accroche, au pire avec ses dents. Le gars nous revient le lendemain, ayant bricolé un bidouillage pour l'adapter à notre prise. « J'ai une fille de deux ans, je ne voudrais pas que votre fille crève de froid, quand même. Ce radiateur, il me sert l'hiver pour chauffer mes pieds à la réception ». Une réception ouverte à tous les vents, où ses jambes doivent déjà être gelées. Mais il a préféré penser à Maïa, en sous-entendant en plus que le patron de l'hôtel n'était pas d'accord. Même si le radiateur a une performance plus que moyenne et nous éclaire plus qu'il nous chauffe, l'intention, elle, nous réchauffera le cœur jusqu'à notre départ.


Car à côté de ça, Colonia nous semblera être une ville aussi froide que la température actuelle. Une magnifique vieille ville, certes, classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, mais sans esprit. Plutôt un défilé de boutiques et de restaurants, où il n'y d'autre choix que de chauffer la carte bancaire ou de rester dans la froidure, et en dehors des vieilles pierres, la ville semble plutôt morte. Et comme toutes les villes d'Uruguay, d'Amérique Latine même, elle est entourée de bidonvilles qui font d'autant plus mal à voir qu'il fait froid. Vivre sous la tôle à 40° ne doit pas être plaisant, à 5°, ça doit l'être encore moins. Voilà un autre patrimoine mondial, qu'il faudra bien penser à éliminer, celui-là.


Après quelques jours, nous prenons le bateau pour passer la frontière argentine, et laissons pour la première fois nos fidèles destriers loin de nous. Autant un plaisir de revenir 7 ans après dans le pays de Dieu qu'une obligation : notre visa se limitant à trois mois, nous devons être attentifs à ne pas devenir illégaux en Uruguay. Après la traversée du Rio de la Plata, nous débarquons littéralement à Buenos Aires. Un peu perdus : au port, aucun moyen de transport à part les taxis qui s'en lèchent les babines. Celui qui veut s'en passer doit marcher, et beaucoup. Et nous nous retrouvons soudain au plein milieu des manifestations du 1er mai. Imprévisible, surtout un 29 avril : le 1er mai étant un dimanche, les syndicats ont eu le bon goût d'organiser la marche un jour ouvré. Et quelle marche ! Un défilé impressionnant, l'occasion de protester contre la politique du nouveau gouvernement, élu il y a 4 mois seulement. A côté du Brésil, qui subit un coup d'Etat judiciaire plutôt insensé, l'Argentine connaît une évolution également inquiétante pour tout le continent sud-Américain. Après plus de dix ans de kichnérisme, c'est l'ultra-libéral Macri qui arrive au pouvoir. Et qui détruit tout ce qui a été réalisé, laissant la main aux grandes entreprises, qui profitent de cette récrée grandeur nature. Ainsi, en 4 mois, tout a augmenté : le gaz (de 80%!), l'électricité, l'eau. Claro, un des fournisseurs principaux d'Internet, a décidé de passer le forfait de 5 à 3 Giga, et de l'augmenter de 6€. Comme ça. Et Macri a été encore plus loin : il a re-négocié les bien nommés « fonds vautours », assurant finalement que le pays allait les rembourser alors que la législature précédente avait obtenu son annulation. C'est quand même incroyable : tout le monde, y compris les libéraux et les médias dominants, les appellent ainsi, fonds « vautours ». Mais il faut quand même les payer, et leur servir de viande morte. Et après ça, il y en a encore qui croient que la finance travaille pour le bien commun.

Cette évolution politique de l'Amérique Latine nous inquiète, et nous ne sommes pas les seuls. Des syndicalistes rencontrés à Montevideo nous avaient confié leur peur d'une contagion : « On est un tout petit pays, coincé entre deux géants. Si ça évolue mal d'un côté et de l'autre, ça risque d'être chaud pour nous ». C'est sûr, on ne s'attendait pas à ce que ce continent, qui a regorgé d'initiatives allant vers le progrès social depuis 15 ans, vire casaque aussi brutalement.


En attendant de savoir ce que l'avenir géopolitique nous offre, Maïa a quand même acquis quelques connaissances, en découvrant le fonctionnement du système solaire grâce à un pirate – si, si – au Planetarium de la ville. Elle aura donc quelques repères dans ce monde à l'envers. Pas comme nous : si se retrouver dans Buenos Aires un jour de manif est une épreuve, le reste du temps aussi. Nous avons mis deux jours à tenter de comprendre le réseau de bus de cette ville tentaculaire, partagés entre le regret de ne pas avoir amené nos vélos et la satisfaction de ne pas les avoir amenés, tant le trafic est effrayant. Mais heureusement, la ville compte deux quartiers bien particuliers, qui se sont nommés eux-mêmes « Républiques » tant ils affirment une personnalité à part dans cette mégapole. Et sont le reflet de deux des personnalités les plus connues d'Argentine, en tout cas pour Maïa : Mafalda pour San Telmo et Maradona pour Boca. Notre petite princesse s'amusera à retrouver les statues des personnages de Mafalda, puis les portraits muraux de Maradona dans chacun des deux quartiers. Avec quelques paroles impies - « dis donc, il est gros Maradona ! » - que seule une gamine de quatre ans peut avoir l'inconscience de proférer en plein quartier de pèlerinage maradonesque. Mais ce dieu-là est miséricordieux : c'est quand même le seul à avoir subi plusieurs pontages gastriques.




 
 
 

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