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Le prix d'une chaise

  • urbedall
  • 22 juil. 2016
  • 2 min de lecture

A force de sauter dessus, il fallait bien que ça arrive. Un jour, la petite chaise de Sasha n'a pas supporté les acrobaties de Maïa. Paix à son âme. Et à l'heure d'en chercher une nouvelle, nous décidons que c'est un bon moyen d'aller à la rencontre du voisin d'à côté, ferailleur-bibelotier de son état. Dans la favela de Marindia, comme partout ailleurs dans le monde, deux classes de pauvres se font face et se regardent en chien de faïence : les babos-punks à chiens et les prolétaires déshérités, sans conscience de classe ni travail. Les uns reprochent aux autres d'être dans le système, les autres reprochent aux uns d'être des fainéants. Arrivant dans la maison d'Aude, nous sommes aussi catégorisés, à notre corps défendant.


Je me rends donc chez le voisin, et le retrouve à désosser un frigo, dans un jardin qui ressemble plus à une caverne d'Ali Baba. Je n'ai aucune idée de ce qu'il va pouvoir faire de tous ces cadres de vélos, de cet électro-ménager usagé, de ces bouts de tôle, de ces armoires rouillées mais ce dont je suis sûr, c'est que lui le sait. Comme chez Ali Baba, il suffit de faire un vœu. « Attends une seconde » me répond-il avant de revenir, deux minutes d'intense fouille plus tard, me présentant une petite chaise certes un peu rouillée, certes un peu bancale, mais qui fera bien l'affaire. Et me montre son service nec plus ultra : un nouveau siège et un nouveau dossier de Minnie, tout neuf, et tout rose et mauve. Je tente bien de réprimer mes pensées, me lamentant sur le totalitarisme que subissent les enfants du nord au sud et de l'est à l'ouest de cette planète, qui depuis plus d'un siècle n'ont souvent d'autres choix que d'aimer les créatures de Walt Disney. Le voisin ferrailleur, qui n'a rien d'un poète, semble lire dans mes pensées et coupe court à toute négociation : « J'ai que ça ». « Oui, oui, c'est très bien » lui réponds-je, me réveillant de mes pensées philosophiques sur la marche du monde. Inutile de lui demander s'il connaît Pif el Perro.

Dans les quartiers pauvres du Tiers-Monde, on n'a bien souvent pas le choix : ni de la couleur, ni de la matière, encore moins de ce que ça représente. Les femmes africaines portent bien des maillots aux noms de Beckham ou Ronaldo, des messieurs qu'elles ne connaissent sans doute pas – et on ne leur en voudra pas : un maillot de foot est d'abord, ou seulement, un habit.


Va pour Minnie alors. En rentrant de l'école, Maïa est émerveillée : « Oh, ça c'est une belle surprise alors ! Il faudra que je remercie maman ».

Je proteste mollement : « Mais... c'est moi qui l'ai acheté Maïa ».

« Toi ? Tout seul ? ». Ma fille semble estomaquée que son père ait pu commettre un tel acte, restant me scruter, l'air interdit. Puis, les mots sortent de sa bouche :

« Et tu ne t'es pas perdu ? »


 
 
 

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